27 février 2006

Conditions humaines : Ça caille!

Fini le confort douillet du studio 9 du Centre national de la Danse. Je suis de retour dans le Nord. Et j'attaque une série de photos d'illustrations sur la mine. Ces images auront leur utilité pour l'exposition. Enfin, j'espère. Car je me trouve, pour l'instant, confronté à un puzzle dont il me manque des pièces. Mais bon, Rome ne s'est pas contruite en un jour.
Samedi, je suis parti à la chasse d'un chevalement. Il s'agit des structures métalliques qui servaient de machineries pour les ascenseurs rejoignant les puits. J'en trouve un pas très loin de chez moi. Et me voilà, sur les restes d'un terril à attendre que le soleil couchant veuille bien rentrer dans le cadre de mon appareil photo. Mais j'avais oublié qu'ici, contrairement aux tropiques, le soleil prend son temps avant de disparaître à l'horizon. Et nous sommes en février. Après une demi-heure d'attente, j'ai l'impression d'être transformé en glaçon. Sans le bourbon pour me réchauffer. Et ce foutu soleil qui semble jouer les prolongations. Tant est si bien qu'au bout d'une heure d'une attente polaire, je me décide à remballer le matériel et à regagner mon "home sweet home". Et le résultat de tout ce temps passé? Et bien voilà. Et j'essaierai de faire mieux la prochaine fois.
ps : Petit retour en arrière avec "Morituri te salutant" (légende de la dernière photo du 23 février). Cette formule déclamée par les gladiateurs (c'est ce que vous croyez? Et bien, allez à l'adresse suivante : http://www.ulg.ac.be/littlat/dossiers/d1/morituri.htm) a aussi été utilisée par Aurore, la danseuse en photo. Juste avant d'attaquer un ballet en compagnie des autres danseuses, elle a lancé, avec un pâle sourire : "Ceux qui vont mourir...". Elle avait de la chance, les lions étaient à la cafét'.

23 février 2006

Conditions humaines : Ce n'est qu'un au revoir...

Mercredi 22. "Répéter : refaire, recommencer, reproduire plusieurs fois" nous dit le Petit Larousse. Si pour la troupe à Pietra, la répétition est une nécessité; pour votre serviteur, elle est un travers à éviter. A moins d'en faire une démarche artistique ou conceptuelle (ou les deux?), ce qui n'est pas du tout mon cas. Mais voilà, depuis lundi, je le sentais venir le syndrome de la redite. Cette désagréable impression de tourner en rond, cette sensation de déjà-vu. Mon travail de la journée ne fait que confirmer cette appréhension. Une vingtaine d'images émergent de cette nouvelle séance. Curieusement, ce sont les moments où j'avais l'esprit en roue libre que j'ai fait ces photos.
Je termine cette petite chronique avant de reprendre la route du Nord. Car mon travail sur "Conditions humaines" ne fait que commencer. Affaire à suivre...

De la fugacité d'un regard.


Une présence lumineuse jaillit soudain du décor.


Miroir, miroir, qui est le plus beau?


"Morituri te salutant". Private joke que je vous expliquerai prochainement.

22 février 2006

Conditions humaines : Et vous trouvez ça drole?

Mardi 21. Pietra et Julien continuent à passer des scènes au crible. Aujourd'hui, c'est le duo François/Véronique qui est de nouveau sur le gril. Le moindre mouvement est disséqué et au fur et à mesure, la chorégraphie évolue. Combien de changements ce pas de deux subira-t-il encore avant la première? Je n'aurais jamais pensé que les choses pouvaient changer à ce point.
Après avoir refait faire le ballet des trieuses aux filles, Pietra demande aux garçons de s'attaquer à la scène du banquet. Pendant ce tableau, les danseurs se livrent à une improvisation rythmique. ESt-ce la fin de la journée? Toujours est-il que cette séquence part doucement en vrille dans un fou rire général. Et une nouvelle tentative se solde encore par des éclats de rire. Une hilarité partagée par tous. C'est aussi ça la cohésion d'un groupe.

Tout est dans le regard.


Comme un envol.


Nam s'invite au banquet.


La complicité s'installe.


A la traque de la moindre imperfection.

20 février 2006

Conditions humaines : Anatomie d'une scène

Lundi 20. En fin de matinée, ça dissèque sec. Pietra et Julien détaillent différents tableaux avec les danseurs concernés. C'est la traque à l'imperfection. Après avoir passé en revue un ballet des filles et la vie dans le coron, nos deux chorégraphes s'attaquent au pas de deux de François et Véronique. Quelque chose cloche. Véronique semble manquer de confiance en François dans certains mouvements. Une appréhension bien compréhensible quand il s'agit de se laisser tomber de tout son long sur son partenaire. Julien se tranforme en pédagogue pour donner le mode d'emploi physique et vaincre les dernières réticences. Assis dans un coin de la salle, Eric - le directeur technique, n'en perd pas une miette. La mise en place des décors et la lumière sont de son ressort. Il est venu prendre la température et vient se faire une idée plus précise et concrète de l'espace scénique et de son occupation par la troupe.
Dans l'après-midi, la troupe reprend des enchaînements de tableaux. De l'éxubérance du banquet au chaos de la catastrophe, la mécanique de la création se met en place sous nos yeux. Quelques erreurs, quelques hésitations se produisent encore ici ou là, mais le travail de tous s'avère payant. La fluidité commence à être au rendez-vous. Reste à savoir ce qu'Eric nous concoctera sur le plan de la lumière. C'est dur d'être patient.

La lente avancée de la berline chargée de morts.


La sortie du banquet vue par François.


Pour Véronique, c'est la démonstration par l'exemple.


Sous le voile noir.


La danse, un art qui s'inscrit dans la chair. Au sens littéral du terme.

Conditions humaines : Séance supplémentaire

Samedi 18. Pietra et Julien investissent de nouveau le studio 9 pour une séance de travail sur des solos (ou des soli, c'est à voir). Je suis aussi de la partie, ce qui me permet de découvrir des scènes que je ne connaissais pas encore. Le solo de Pietra met en scène la douleur de l'absence, une veuve éperdue répète mécaniquement les gestes du quotidien malgré la disparition de son mari. Pietra m'explique peu après que ce passage lui a été inspiré par l'anecdocte rapportée par un ancien mineur : "Son grand-père lui avait raconté qu'après la catastrophe, une veuve ayant manifestement basculé dans la folie, venait tous les matins à l'entrée de la fosse. Elle restait immobile toute la journée puis rentrait chez elle le soir. Là, elle dressait la table pour toute la famille. Or, son mari, ses trois fils et son frère avaient été tués dans l'explosion. Le choc avait certainement été trop grand pour l'esprit de cette pauvre femme".
Pour sa part, Julien joue le rôle du directeur de la mine qui entend bien faire plier les grévistes après la catastrophe. La morgue et le mépris qu'il fait passer dans son interprétation sont saisissants de réalisme. Mais il y a tant d'exemples contemporains qui sont autant de sources d'inspiration...
La répétition s'achève sur Pietra qui brandit l'étendard de la révolte. C'est la lutte finale!
L'humour s'invite subrepticement aux répétitions.


Un vent de révolution souffle sur le studio 9.


Changement d'heure de répétition réjouit le photographe.


Quelques notes griffonnées à la hâte qui racontent une chorégraphie.


Julien se coule dans son personnage de directeur de la mine. Ça fait froid dans le dos.

17 février 2006

Conditions humaines : Instantanés de bons moments

Vendredi 17. "J'aime bien, il y a une bonne énergie", lâche Pietra dans un sourire à la fin de la répétition matinale. Moi, l'observateur extérieur, je ne peux que souscrire à cette assertion. Comme diraient les Beach Boys : "Good Vibrations". L'ambiance est féconde, l'humeur est joyeuse. La troupe enchaîne les tableaux pour commencer à prendre le rythme de la représentation. Le parallèle avec une équipe de foot vient à l'esprit. Les onze danseuses et danseurs apprennent à se connaître, à se synchroniser pour être au point pour le grand jour. Et là, ça m'a l'air bien parti.

La création d'une oeuvre contemporaine n'empêche pas de continuer à travailler les classiques.


Quand l'âpreté du travail de la mine devient une réalité palpable.


Un coup d'oeil en coulisse.


La douleur des veuves.


L'effort marque les corps et les visages.

Conditions humaines : Moteur, action...

Jeudi 16. Petite journée pour les obturateurs. Tant mieux, ça me permet de réfléchir à la façon de faire évoluer mon travail. Car ce reportage en huis clos peut vite devenir répétitif et redondant, si je n'y prends garde. De leur côté, les danseurs répètent jusqu'à plus soif. Jusqu'à ce que les enchaînements deviennent des automatismes, des évidences inscrites au plus profond de leur chair.
Pour changer, je capte ce travail en vidéo. J'ai changé de support à la demande de Julien qui souhaite avoir une trace vidéo d'un tableau auquel participe tous les danseurs. Sur l'écran du caméscope, la mise en place semble une évidence. Sur le lino de la salle de répétition, les choses ne sont pas aussi faciles. La journée se conclut par un travail sur le tableau final. La robe noire est de nouveau mise à contribution. L'émotion affleure du mouvement. Vivement la première!

Quand l'étoile danse.


A la recherche de l'inspiration.

16 février 2006

Conditions humaines : difficiles duos

Mercredi 15. Lorsque j'arrive, Sébastien est en train de jouer le rôle ingrat du cheval tirant une berline transformé en corbillard improvisé. Le corps tendu, il lève les yeux au ciel tout en continuant à tracter son macabre fardeau. Pietra et Julien dissèquent le moindre détail du convoi, tandis qu'Eray immortalise la scène avec son téléphone. On n'arrête pas le progrès. Vient ensuite le plat de résistance, la scène du bain. Quatre couples retracent ce moment particulier de la journée du mineur quand, de retour à son domicile, il se faisait laver par son épouse. Après un passage devant la vidéo pour se remémorer les subtilités de la scène, tout le monde se met au boulot. Mais les portés posent problèmes à Eray. Et l'appréhension de sa partenaire, Nam, ne facilite pas les choses. Néanmoins, tout le monde y met du sien et grâce à Yoann et Laura qui se sont mués en professeurs, la difficulté finit par être absorbée par les danseurs. Doucement mais sûrement, la machine est en train de trouver son rythme de croisière.

Et maintenant, quest-ce qu'on fait?


Un petit souvenir pour plus tard.


Le retour sur images, une mémoire indispensable.


Travailler jusqu'au moindre détail.


Une vue d'ambiance légèrement retravaillée.

Conditions humaines : au charbon!

Mardi 14. La troupe rentre dans le vif du sujet. C'est la première sortie d'une robe qui sera un élément de décor essentiel. Une fois mise en place, cette corolle d'une dizaine de mètres étale un noir charbonneux assez saisissant. Difficile de ne pas songer immédiatement au clair-obscur d'une galerie de mine. Sous certains angles, le tissu absorbe la lumière. Les danseurs se glissent dessous et commencent une chorégraphie fantasmagorique. La sombre masse en mouvement semble vouloir les empêcher de retrouver la lumière du jour. Dans le studio de répétition, la sensation d'oppression est déjà palpable. J'ai hâte de voir ce que ça donnera en spectacle. Le travail de ce passage prend une bonne partie de la répétition. Mais il reste encore un peu de temps pour découvrir le ballet des trieuses et ses mouvements automatiques qui ne sont pas sans rappeler "les temps modernes". L'automatisme est tel que, parfois, l'une ou l'autre des danseuses se mélangent un peu les pinceaux. Mais retenir autant de mouvements en si peu de temps relève de la gageure. Ce sont les garçons qui finissent la journée par la scène du banquet avec un grand numéro de Yoann faisant le grand écart sur deux tables à roulettes. Ouf, tout ça m'a épuisé. La suite au prochain numéro.

Quand la mine s'installe à Pantin.


La terre broie ses victimes. Une allégorie oppressante et saisissante.


Le banquet, sa bonne humeur et ses excès.


Le ballet des trieuses sous l'oeil vigilant de Marie-Claude Pietragalla.


Nam et Aurore dans le ballet des trieuses. Une tranche de vie.

Conditions humaines : carnet de route

Ça y est. C'est parti. J'ai pris mes quartiers d'hiver à Pantin, au Centre national de la Danse. A défaut d'être esthétique, ce bloc de béton brut et de verre est assez fonctionnel. C'est là que Pietra (aka Marie-Claude Pietragalla) s'est installée avec sa petite troupe pour créer "Conditions humaines", LE spectacle de la commémoration de la catastrophe minière de 1906. Pour ceux qui auraient raté un épisode, je rappelerai que la catastrophe dite de Courrières (car c'est la compagnie des mines de Courrières qui avait été touchée) s'est produite le 10 mars 1906 et a entraîné la mort de 1099 mineurs. Seuls les Chinois ont fait pire avec 1549 morts en 1942. Mais cette catastrophe industrielle est emblématique à plus d'un titre :
- Si le grisou était l'ennemi n°1 du mineur, la poussière pouvait aussi être un tueur redoutable.
- La solidarité professionnelle a joué à plein. Des mineurs allemands étaient venus participer aux opérations de sauvetage malgré un contexte tendu entre les deux pays.
- Malgré de nombreux avertissements, la compagnie des mines de Courrières avait privilégié la rentabilité au détriment de la sécurité des mineurs. Quelques améliorations seront apportées à la suite de la catastrophe mais surtout de la grève qui suivra cette tragédie. Une grève réprimé de façon sanglante sur les ordres de Georges Clemenceau, alors ministre de l'Intérieur.
Cette histoire qui a marqué la région et des générations de mineurs est donc la trame de la nouvelle création de Marie-Claude Pietragalla. Mais dès le premier jour de répétition auquel j'assiste, je comprends que le propos de la chorégraphe ne se limitera pas à la seule évocation de la tragédie. La vie quotidienne du mineur et de son épouse y prend une place non négligeable. En attendant, les dix danseuses et danseurs qui constituent la troupe retrouvent doucement leurs marques après les premières répétitions qui s'étaient déroulées en décembre. Vu de l'extérieur, on voit qu'une complicité s'est déjà instaurée entre les protagonistes. La chrysalide peut commencer sa mue.

L'échauffement, un moment d'introspection.


Pas toujours facile de se fondre dans le décor.


Un instantané au détour d'une porte ouverte.


Un pas de deux et son reflet.


A chacun son style.

Les doigts dans la prise

C'est dans les vieux pots qu'on fait la bonne soupe. Pour la musique, c'est pareil. Rien ne vaut des recettes éprouvées. Vendredi dernier, l'Escapade nous en a encore donné la démonstration. A l'affiche, du blues. Hexagonal et original. Enfin, pour Paint It Blue, ça sa discute. Non pas que le groupe soit mauvais. Mais il fait plutôt partie des fidèles de la parole de Robert Johnson, Freddie King et consorts. Tout est dans la note bleue. La tête d'affiche, Jesus Volt, serait plus de l'école des iconoclastes. Leur approche des trois accords/douze mesures s'apparente à celle de Fleetwood Mac première période ou Led Zep circa "In My Time Of Dying". Un grand coup de pied dans les conventions. Il suffisait de voir le set du guitariste pour comprendre que ces gaillards ne respectent rien : une acoustique dotée d'un micro d'électrique scotchée dans la rosace; la bête est connectée sur un bon vieux Marshall des familles. Son sale assuré. La prestation du groupe est à l'image de cet équipement : faisons nous plaisir, il sortira bien quelque chose de tout ça. Le résultat, un blues rocailleux qui sent le bourbon et la clope, la sueur et les nuits sans sommeil. Malgré un public clairsemé (mais où étaient-ils donc les fous de zique?), Jesus Volt n'a pas joué à l'économie. Pas le genre de la maison. Ça nous a fait du bien aux oreilles. Et tant pis pour ceux qui n'y étaient pas.

Paint it blue, un groupe soudé.


"Jesus gonna be here"... En attendant, un peu de musique...


Pas besoin d'avoir une guitare valant des milliers d'euros pour avoir le son.

09 février 2006

Rétro : Novembre : Echauffement aux entrechats

Parfois, je me demande dans quoi je me suis embarqué. En matière de photos de danse, je suis un néophyte. Ça tombe bien, je vais pouvoir me confrontrer à la réalité. La compagnie Pietragalla est de passage à Douai pour plusieurs représentations du spectacle "Ivresse". Sur le thème de l'errance nocturne, Marie-Claude Pietragalla a construit une chorégraphie avec deux danseurs qui s'appuie sur les musiques de Goran Bregovic et d'Arbat. On est très proche de l'unviers déjanté d'Emir Kusturica. Côté lumière, faut s'accrocher. Si les yeux peuvent s'accomoder de la pénombre régnant sur scène, pour le capteur de mon boîtier, ça tourne à la mission impossible. Je réussis néanmoins à sauver quelques images. Dont voici des échantillons.